Faire du pain au four solaire, c’est possible. Découvrez comment avec Sylvain Durand-Terrasson. Ce passionné a conçu le Solar’cycle, un four solaire parabolique réalisé avec des pièces de vélo. Il l’utilise tout au long de l’année pour cuisiner et également pour cuire du pain. De plus, Sylvain anime des stages d’autoconstruction de cuiseurs solaires dans le cadre des activités de l’association auTour, basée à la Tour-du-Pin. Envie d’en savoir plus sur le Solar’cycle ? N’hésitez pas à lui écrire à sylvain.dt@hotmail.fr.
Introduction
Adepte depuis de nombreuses années des cuiseurs solaires paraboliques, qui sont une bonne alternative aux cuisinières à gaz ou électriques, la fabrication du pain au levain, pour laquelle je me passionne aussi, m’a longtemps paru impossible avec ces appareils. Jusqu’au jour où j’ai tenté pour la première fois de faire du pain au four solaire. C’était par une chaude journée d’été où je manquais de temps pour allumer le four à bois et où j’étais réticent à mettre en chauffe le four de la cuisinière. Au moment de façonner le pâton, je l’ai disposé dans un moule en terre cuite huilé. Il faisait 1,2 kg, cela me paraissait énorme pour la puissance d’une parabole d’un mètre de diamètre. Du coup, j’ai décidé de cuire plusieurs pâtons moins volumineux.
J’ai mis le plat en terre cuite et le pâton au fond d’une grande marmite noire avec un couvercle en verre et j’ai placé le tout sur le repose-plat de mon Solar’cycle. De la sorte, je me disais que j’obtiendrais la même chaleur que dans un four – un four de taille modeste, certes, mais susceptible de recevoir un moule assez grand. Sans préchauffage, j’ai interrompu la cuisson du plus gros pain au bout d’1 h 30. Il commençait à dorer sur le dessus et même à brûler par endroit. J’ai compris par la suite qu’il fallait faire tourner la marmite pendant la cuisson et fariner le dessus des pains pour contourner ce problème.
Verdict : au démoulage, puis à la découpe des premières tranches, la cuisson était homogène sur toute l’épaisseur, et le pain bien cuit jusqu’au cœur, encourageant donc ! Depuis, j’ai continué mes expérimentations au fil des saisons, obtenant de bons résultats, même en hiver (en diminuant la taille des pains et en allongeant un peu les temps de cuisson).
L’objet de ce tutoriel est de partager avec vous cette technique, pour vous permettre de cuire votre pain avec une parabole comme le Solar’cycle (à auto-construire) ou une parabole du commerce. Même si on peut utiliser cette méthode pour cuire du pain fabriqué avec de la levure de boulanger, je vous invite à vous initier au levain sauvage. Il suffit de faire fermenter un mélange de farine et d’eau. Une fois obtenu, on peut le perpétuer à l’infini.
Le levain augmente les qualités nutritionnelles, énergétiques, gustatives et la conservation du pain. Je n’explique pas ici comment obtenir du levain sauvage, de nombreux tutoriels existant déjà sur Internet. Je vous encourage à vous lancer et à persévérer un peu à vos débuts, on arrive assez rapidement à se familiariser avec cette matière vivante, qui réagit différemment au fil des saisons et qui rend la fabrication du pain encore plus passionnante. Découvrons ensemble comment faire du pain au four solaire parabolique.
Bonne boulange avec le Soleil !
Sylvain DURAND-TERRASSON
Concepteur du four Solar’cycle
Téléchargez les plans du Solar’cycle ici
La préparation du pâton pas-à-pas
1- Pour commencer, prenez un grand saladier, versez-y 1,8 kg de farine de blé semi-complet (T80), moulue sur meule de pierre et issue de variétés de blé ancien. C’est la quantité nécessaire pour préparer 3,3 kg de pâte, soit 4 pains (un de 1,2 kg, 2 de 800 g et 1 de 500 g).
Rafraîchir son levain
On obtient du levain en mélangeant de la farine complète (T110) et de l’eau qu’on laisse fermenter. Il faut compter 3 à 5 jours pour y parvenir. Ensuite, il suffit de conserver un morceau de pâton d’une fois sur l’autre pour préparer le pain. C’est ce que j’ai fait ici. J’ai rafraîchi 100 g de levain à une température ambiante de 18°C.
Premier rafraîchissement : la veille de faire du pain, en matinée, j’ai ajouté 60 g de farine complète et 40 g d’eau au 100 g de levain. Second rafraîchissement : cette fois, j’ai ajouté 100 g de farine complète et 70 g d’eau le matin du jour où j’allais faire du pain. Ainsi, j’ai obtenu 370 g de levain bien actif en soirée. En fonction de la température extérieure et de la quantité de pâte à pain qu’on souhaite obtenir, on peut moduler ces rafraîchissements (quantité d’eau et de farine, fréquence, etc.), sachant que quand il fait plus chaud, la fermentation va plus vite. On aura donc besoin d’incorporer moins de levain dans notre pâte.
À noter : on peut aussi conserver en permanence un levain que l’on entretient et dans lequel on prélève la quantité de départ (= levain chef). De même, on peut travailler avec un levain liquide (apports égaux d’eau et de farine). J’affectionne aussi ce type de levain qui donne moins d’acidité au pain.
2- Incorporez le levain à la farine et mélangez grossièrement.
3- Versez 1 200 g d’eau salée (30 g de sel dissout dans 1 170 g d’eau). Utilisez de l’eau de source, de préférence. Il est possible de se servir de l’eau du robinet, à condition de la laisser s’éventer dans une carafe au préalable.
4- Homogénéisez bien l’ensemble à l’aide d’une spatule en bois et laissez reposer.
5- Après 15 à 20 min. de repos, on revient pour un pétrissage manuel court (2 à 3 min.).
Tenez le bord du saladier d’une main et effectuez des étirements et des rabats successifs de la pâte avec l’autre main, en faisant tourner le saladier d’un quart de tour. Au besoin, ajoutez de la farine (ici, j’ai ajouté de 30 g) ou de l’eau. À noter qu’il vaut mieux partir d’une pâte un peu trop hydratée plutôt que pas assez.
6- La levée va prendre plusieurs heures (près de 10 h ici). Je fais en sorte qu’elle se fasse durant la nuit, en jouant sur la quantité de levain incorporé au départ le soir (il faut donc peu de levain en été). Important : il faut éviter que notre pâte soit exposée aux courants d’air. Je dispose la pâte dans le four de cuisinière (pas besoin ici de couvrir d’un linge humide notre saladier). La pâte va pratiquement doubler de volume durant ce laps de temps.
Comment conserver son levain ?
Le matin, avant d’enchaîner avec les étapes suivantes, je récupère un bout de pâte dans un bocal (les 100 g avec lesquels je partirai la prochaine fois) sur lequel je dépose un couvercle. Dans un deuxième temps, on le visse à fond une fois que la pâte a repris un maximum de volume. Je parviens à garder mon levain en toute saison d’une semaine à l’autre dans un « frigo du désert » (sans effectuer de rafraîchissement du levain entre temps, c’est-à-dire pas d’ajout de farine et d’eau).
En cas d’oubli, je garde toujours un « levain de secours » grâce à un autre mode de conservation : la déshydratation. Pour cela, étalez votre levain dans une assiette et fragmentez-le après séchage. On peut ainsi le conserver dans la durée dans un bocal. Pour le relancer, on le réhydrate et on rajoute de la farine.
Le façonnage du pâton
1- Préparation des moules. On va utiliser une huile végétale (ici, de l’huile d’olive) pour éviter que la pâte ne colle aux parois du moule pendant la cuisson. La terre cuite est un très bon type de moule. De plus, on peut aussi employer un bol ou une jatte. Répartissez l’huile de façon homogène à l’intérieur du moule.
2- Farinez largement la surface de votre plan de travail. Disposez-y la quantité de pâte désirée, en fonction de la taille du moule que vous souhaitez utiliser. Aplanissez légèrement la pâte pour l’étaler, puis farinez-la.
3- Étirez la pâte sur un bord et rabattez son extrémité au centre. Reproduisez le même geste quatre fois jusqu’à obtenir la même chose que sur la photo ci-dessous.
4- Répétez l’opération quatre fois, puis amorcer un enroulement, comme sur la figure ci-dessous.
5- Retournez le pâton et amorcez un deuxième enroulement. Ensuite, finissez le boulage en passant les deux mains sous le pâton tout en le faisant tourner sur lui-même, afin de retendre sa surface. Farinez si besoin, puis placez le pâton dans le moule en terre.
6- Temps d’apprêt (ici d’environ 5 h). Comme pour la levée, il faut veiller à éviter que notre pâte soit exposée aux courants d’air. Il est conseillé de remettre le moule dans le four d’une cuisinière (pas besoin de le couvrir d’un linge humide). Durant ce temps, le pâton va pratiquement doubler de volume. Travailler avec des temps de levée et d’apprêt longs est volontaire. Cela permet de programmer la cuisson en milieu de journée, là où le rayonnement solaire est le plus intense. Avec un seul four solaire, on peut enchaîner plusieurs cuissons sans que la pâte ne retombe. À noter, le pain développe aussi plus d’arômes avec des levées plus lentes.
Faire du pain au four solaire : la cuisson du pâton
1- Avant d’enfourner le pâton, farinez sa surface. Grignez-le d’un geste franc à l’aide d’un couteau de cuisine tranchant. Ensuite, placez le plat en terre dans la marmite noire et ajoutez l’équivalent d’une à deux cuillères à café d’eau au fond du récipient en fonction du volume de la marmite.
2- Posez le couvercle en verre sur la marmite. Ce dernier permet d’obtenir un pain doré, grâce à l’effet de « miroir ardent » de la parabole.
3- Placez la marmite bien au centre du repose-plat de la parabole solaire. Il faut que le ciel soit bien clair pour que cela fonctionne. Autrement dit, les ombres doivent être bien nettes comme sur l’image ci-dessous. La courbure du four Solar’cycle est suffisamment profonde pour obtenir un rayonnement enveloppant et une cuisson homogène. IMPORTANT : pour faire du pain au solaire, pensez à porter des lunettes de soleil de catégorie 3 ou 4. On peut aussi se soustraire au rayonnement en se plaçant à l’arrière de la parabole et en la faisant pivoter complètement vers soi (cf. tutoriel de fabrication, à la page 121).
4- On oriente la parabole solaire en se repérant grâce au pointeur solaire. Pour une efficacité optimale de la cuisson, la parabole se réoriente toutes les 15 à 20 minutes.
5- Faites pivoter la marmite toutes les 20 à 25 minutes d’un quart de tour. Pensez à mettre des maniques.
6- Au bout d’1 h 40, retirez le pain du four avec des maniques. Le temps de cuisson varie en fonction de la dorure souhaitée et la taille du pain. Un pain de 500 g peut cuire en moins de 45 min. En fait, cela dépendra aussi du type de moule, de marmite, de l’intensité de l’ensoleillement et de sa constance. Pour faire du pain au four solaire, il faudra parfois composer avec le passage de nuages.
7- Laissez refroidir le pain avant de le déguster.
2 réponses sur « Cuire du pain au four solaire, le guide complet »
Bravo et merci pour les explications. Je vais me lancer, je crain seulement que certaine partie de la pate ne soit pas sufisament cuite.
Bonjour,
Si vous utilisez une parabole solaire comme le Solar’cycle, ça devrait aller. Pour ma part, j’utilise un four solaire Sunplicity, une marmite en acier émaillée noire et une petite assiette en terre cuite. Je mets un peu d’eau au fond et la mie est cuite. N’hésitez pas à contacter l’auteur du tuto, si vous avez besoin de précisions. Son e-mail est au début du texte.
Bonne cuisson,
Sébastien